PARIS CUT-UP
Fragments d’une ville
Un patchwork éphémère
qui s’effiloche,
se démolit et se reconstruit,
jour après jour,
rythmant nos souvenirs.
Parcourant la ville à pied sans aucun a priori, Marc Dumas a collecté tout au long de ses déambulations des fragments urbains tout à fait ordinaires. Par une inexplicable magie, une fois fixés sur ses images, ces morceaux de ville apparaissent transfigurés. Affranchis de leur fonction originelle, ils deviennent tout AUTRES, et dévoilent leur nature secrète, jusqu’alors cachée, invisible. Ce sont tantôt des totems, tantôt des autels participant à “une cosmogonie de la ville à l’agonie” : coins de rue anonymes, installations anti-SDF, morceaux de murs, fragments de vitrines, sacs poubelle, bâches de travaux publics, bittes, barrières, jardinières, boîtes aux lettres, protections anti-pigeons, arbres, statues, graffitis… En somme, toute la panoplie d’objets banals, communs, fonctionnels, « sans qualité » et « sans grâce » auxquels nous, les citadins, sommes confrontés chaque jour.
Si c’est du côté de la technique qu’il faut chercher une explication, disons que pour réaliser ces images Marc Dumas a choisi d’employer, à rebrousse-poil, un téléobjectif 100 mm utilisé habituellement pour faire des portraits et qu’il a opté pour le format « figure » (vertical) là où d’autres auraient naturellement employé le format « paysage » (horizontal), ou encore qu’il a adopté un point de vue absolument frontal. Il s’agit donc d’un acte photographique volontaire destiné à extraire les fragments de leur contexte, éliminer l’hors-champ, effacer la marge, décontextualiser… En somme, faire du non-paysage !
Mais ceci n’expliquant pas tout à fait cela, notons une indéfinissable étrangeté, une légère lueur peut-être, une lumière inhabituelle, une couleur incongrue…
Il en ressort la sensation d’une ville interdite, où tout parcours est contraint, canalisé par des barrières, murs, barreaux, grillages, et bâches qui délimitent les frontières à ne pas franchir, les limites de notre liberté.
Une ville où les rares terrains vagues restent les seuls espaces à occuper par nos rêveries de liberté.
Où des objets incongrus, abandonnés, brulés, plantés là pour une raison inconnue, deviennent des reliques et rivalisent avec l’art contemporain.
Où les messages laissés par des inconnus sont comme des bouteilles à la mer et où la signalisation de rue nous envoie des messages secrets dans un code incompréhensible.
Où le délabrement des choses est la preuve ultime de la non-pérennité d’un environnement chaotique, où même les vitrines exposent mannequins hors d’usage et vases de fleurs fanées.
Dans ce contexte, l’acte photographique devient un acte de résistance. Une révolte douce avec les traces complices du temps qui passe, oscillant dans la dialectique du beau et du laid : « Extraire d’un pli de béton une image, comme la mauvaise herbe qui se loge dans les anfractuosités du béton, de l’acier ou du verre et qui bouleverse un espace fonctionnaliste sans vie. »
La ville, un territoire hostile à dompter pour tenter d’échapper à la programmation urbaine, au cauchemar climatisé tel que le décrivait déjà Henry Miller dans les années 50.
Marc Dumas
Édition
Pariscut-up
photographies & postface : Marc Dumas
format 23 x 16,5 cm, 112 pages, couverture cartonnée
103 photographies en couleur
Éd. Tout pour Plaire, Paris
ISBN 978-2-9514322-8-4
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